Malgré mes efforts d'objectivation
et de fidélité aux propos tenus lors de ces deux jours, cette
synthèse ne peut être totalement dénuée d'interprétations, pour
profiter de la conférence dans son intégralité, commandez son
enregistrement auprès d'Espoir FM ici
A l'invitation d'AMARE, le sociologue
Olivier Noël est intervenu dans le cadre des rendez-vous de
l'égalité et d'une journée d'étude sur la prévention et la lutte
contre les discriminations à Villeneuve sur Lot.
Suite au premier Rendez-vous de
l'égalité au cours duquel nous avons interrogé notre rapport à la
coopération dès le plus jeune âge, nous avons souhaité, lors de
ce deuxième temps, interpeller la laïcité en tant que fondement de
notre modèle de société.
***
Laïcités
& Islam : comment faire société commune ?
(Conférence
~ 6 Mai 2014)
Choisi conjointement par Olivier Noël
et par l'association, ce titre veut rappeler que l'Islam -ou la
prétendue appartenance à l'Islam- est une source régulière de
discriminations.
Au fil des éléments historiques et
sociologiques on aperçoit comment la laïcité, comme l'égalité,
est une conception idéologique inscrite dans nos lois qui se
manifeste de manière très divergente en fonction des acceptions que
l'on en a.
Dans leur rapport « faire société commune dans une société diverse » Ahmed Boubeker et Olivier
Noël sont allés à la rencontre d'un collectif de parents du Blanc
Mesnil « sorties scolaires : avec nous ! » créé
en conséquence de la circulaire Chatel du 27 mars 2012.
Si l'objet central de cette circulaire
est de favoriser la coopération entre parents et institution
scolaire, on constate qu'elle engendre l'impossibilité pour les
mères de famille qui portent le foulard islamique d'accompagner les
sorties scolaires de leurs enfants. Autrement dit cette directive
produit des effets discriminatoires fondés sur un critère
d'appartenance religieuse, elle aboutit à un renforcement des
inégalités.
Cette forme de la laïcité n'est pas
celle entendue au cours des siècles passés qui visait le bien vivre
ensemble, permettant, par des dispositifs pratiques, la mise en œuvre
de la liberté de conscience et de culte.
Cette approche prend de façon
étonnante la forme d'un dogme, d'une orthodoxie, et entraine des
formes de radicalisme à contrario de son acception la plus ancienne.
Dans cette situation où
est l'intérêt supérieur, l'intérêt général, pour la société ?
Érigé en tant que valeur universelle,
le principe de laïcité aboutit à une conception instrumentalisée
dont l'objet est de conclure que l'islam n'est pas compatible avec la
République. Cette position devient aujourd'hui dominante et éloigne
la laïcité d'une conception libérale, porteuse de justesse et de
sagesse qui favoriserait une société inclusive.
Il est surprenant de voir sur cette
trajectoire comment la liberté de conscience est repoussée au
second plan...
Au final la circulaire Chatel illustre
un mal régulier de nos politiques dites ''d'intégration'' :
elles provoquent des effets paradoxaux. Il importe de
réfléchir aux modalités nécessaires à l'élaboration d'une
laïcité commune, comme il importe de penser les politiques
publiques en règle générale avec les premiers concernés :
les habitants.
***
Lutte contre les
discriminations & cohésion sociale
(Journée d'étude ~ 7 mai
2014)
Depuis les années 70, dans un contexte
de montée du chômage plus importante chez les populations dites
''issues de l'immigration'' sont apparues des mesures spécifiques en
faveur de l'insertion socio-professionnelle.
Notons pour réflexion que le terme
''population issue de l'immigration'' est rarement interrogé sur
son sens profond !...
Si ces dispositifs répondent
parfaitement à une quête de mise en application de notre modèle
social d'égalité entre les individus, cependant elle connote une
imputation de la responsabilité des problèmes vers les populations
immigrées et leurs descendants exclusivement ; le modèle
d'intégration à la française n'est, lui, jamais remis en cause.
Ce mécanisme rappelle les paradoxes du
modèle égalitaire présents dès l'élaboration de la Déclaration
des Droits de l'Homme et du Citoyen : si l'égalité est posée
comme postulat de départ, pour autant on s'empresse de créer des
catégories qui en sont exclues. Le modèle est préservé dans
l'illusion de sa perfection tandis que l'on incrimine les individus
pour leur imperfection.
Qu'il s'agisse des femmes, des
immigrés, des indigents ou de la jeunesse, les processus de
minoration constellent l'évolution du concept d'égalité en France
(Pour références les écrits de G. Le Bon, les Lois de 1934 sur la
main d’œuvre nationale, les droits des femmes...)
De l'égalité
conceptuelle à l'égalité effective
Le mécanisme de prise de conscience
requiert du temps ; ce n'est que dans les années 2000, par
exemple, que les effets persistants des Lois de 1934 seront évaluées
alors que subsistent des pratiques qui nous semblent aujourd'hui
impensables comme les annotations BBR (Bleu, Blanc Rouge), 01 (code
INSEE pour une nationalité française), E (id. pour Européen) ou
BYB (Blond Yeux Bleus) sur les offres d'emploi. Le droit à
l'égalité ne demeure que conceptuel.
A partir de la seconde guerre mondiale
les revendications féministes permettent un certain nombre
d'avancées en France vers un droit 'légalisé', à commencer par
l'égalité salariale.
Le traité de Rome fait ensuite
beaucoup avancer l'égalité conceptuelle vers l'égalité légale,
de nouveau par le biais de l'emploi.
Sur le plan des discriminations
ethno-raciales ce sont aussi des avancées en dehors de nos
frontières qui seront source d'évolution dans les années 70. Puis
la marche pour l'égalité en 1983 tente de montrer qu'il existe une
demande égalitaire profonde parmi différentes classes de la
population. Cependant la réponse publique se situera dans la lutte
contre le racisme exclusivement, particulièrement contre le Front
National. Là encore les responsabilités sont imputées à des
groupes de personnes non à un système porteur de son propre
inégalitarisme.
En 1978 les procès fleuve de Gabrielle
Defrenne en Europe vont accélérer la progression par le biais du
Droit Européen, renforcée ensuite lors du sommet de Florence puis
du traité d'Amsterdam. Un traité dont l'article 13 stipule que «
le Conseil européen, statuant à l'unanimité sur proposition de la
Commission et après consultation du Parlement européen est habilité
à prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute
discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la
religion, les convictions, un handicap, l'âge, l'orientation
sexuelle. » La transcription en Droit français de ce traité,
ratifié en 1997 par la France, sera effective en 2001.
L'égalité devient un droit effectif,
troisième dimension de son évolution.
Pour autant sont remis en avant les
''problèmes d'insertion, d'intégration, d'exclusion''... La
législation insufflée de l'extérieur a du mal à être incarnée
pleinement, elle est même déniée par certains aspects. La personne
en situation de discrimination est prise en compte uniquement en tant
que victime et au moment même où on reconnaît l'existence de
victimes de discriminations, on présume d'une victimisation et on
pose le postulat d'une instrumentalisation par les personnes
elles-mêmes !
Le travail de conscientisation de ces
mécanismes de résistance au changement passe par un déplacement de
ce qui est moteur de l'action publique :
de l'initiative
institutionnelle à l'implication des personnes concernées.
Afin d'illustrer, dans les grandes
lignes, les travaux professionnels que nous avons menés durant la
suite de la journée je citerais ici un extrait du rapport
Noël/Boubeker :
Pour « refonder radicalement les
manières de faire : il s'agit tout autant de
- développer la participation et la représentation des citoyens dans les instances décisionnelles pour élaborer, suivre et évaluer la mise en œuvre des politiques publiques au niveau national et local.
- Développer le partenariat et la co-construction entre acteurs locaux.
- Développer des méthodes collaboratives associant les acteurs institués et les citoyens : débat public, conférence de consensus, forum citoyen, atelier citoyen, ... »
***
19.05.2014 E.I.
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